Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE numero - 14 - 2009 |
LA PANTHERE ET
LE CAVALIER |
TROUVÉ PRÈS DE REVEL
Un des plus beaux objets d'art
romain, actuellement au Musée Saint-Raymond de Toulouse, a été découvert
près de Revel (Haute-Garonne).
Cette indication, peu connue de nos concitoyens, figure au catalogue de
l'exposition sur «Le Cirque Romain» qui eut lieu au Musée Saint-Raymond
en 1990 (1}. La pièce de bronze moulé et ciselé doit être une applique
fixée sur l'armature en bois d'un char romain. Ses dimensions sont :
longueur : 38 cm ; hauteur : 29 cm ; profondeur ou largeur: 9 cm.
Elle représente une panthère attaquant sauvagement au poitrail un cheval
au galop, monté par un cavalier, qui déstabilisé, se penche pour la
frapper de son glaive. Ce cavalier est vêtu d'une chemise et de braies,
sorte de pantalon surtout porté par les gaulois. Ce pourrait être
effectivement un gaulois, conformément aux usages de l'amphithéâtre
romain qui sacrifiait volontiers ainsi des esclaves non romains. Le
cheval semble fou de douleur et son cavalier se déséquilibre pour
frapper. La scène est d'un réalisme puissant : tout en l'animal
agresseur respire la force et la sauvagerie. II semble même être de
proportions plus fortes que celles de la nature et appuie ses pattes
arrières sur un tronc d'arbre.
Toute cette scène est contenue dans un décor de feuilles d'acanthe, de
crossettes et de fleuron qui s'appuie sur une hampe formant angle droit.
La scène animalière constitue un des côtés du triangle ainsi formé.
Depuis toujours cette magnifique création artistique a été attribuée au
Champ du Fa, dans les Corbières audoises, où avaient été trouvées deux
grandes roues de char en bronze qui figurent d'ailleurs dans le même
catalogue d'exposition. C'est Alexandre DU MÈGE, le célèbre antiquaire
toulousain des débuts du XIXème siècle, qui a été l'auteur de ce
rapprochement et de cette localisation hasardeuse et non fondée.
Pour lui, les roues de bronze et notre ornement de bronze faisaient partie du même char. (2 )
L'autorité d'Alexandre DU MÈGE faisant foi, tous les auteurs postérieurs ont donné, pour origine de notre ornement à la panthère, le Champ du Fa, dans l'Aude ( 3).
Depuis des travaux nombreux ont permis de cerner les productions qui forment l'âge du bronze et les archéologues contemporains pensent que ces deux roues doivent être reportées à la fin de l'âge du bronze ou au début de l'âge du fer,, ce qui les ferait dater des IXème et VIIIème siècles avant J.C. (4 )
Dés lors, on peut séparer notre applique à la panthère de ces roues.
D'ailleurs Daniel CAZES. conservateur au Musée Saint-Raymond et un des directeurs de l'exposition sur «Le Cirque Romain», compulsant les premiers inventaires du Musée SaintRaymond, s'est aperçu que les catalogues de 1813 et 1828, portent pour notre ornement de char (Inv. 25517) :«découvert près de Revel ( "Haute-Garonne)».
(1) Auteurs divers, «Le Cirque Romain », Mairie de Toulouse, Musée Saint-Raymond, 1990, in 4, 139 pages, 14 planches photographiques couleurs. L'ornement de bronze figure au N°37, page 82 de ce catalogue, avec un commentaire dé Daniel CAZES.
(2) A. DU MÈGE, Notice sur des monuments antiques... conservés au Musée de Toulouse, Toulouse, 1828, n°151, voir la photographie de ces roues, page 17 du catalogue sur «Le cirque Romain>> et le n°1 du même catalogue.
(3 ) Michel ROQUEBERT, dans son livre «Récits et Légendes de l'Antiquité Toulousaine», reproduisant notre pièce de bronze, reste fidèle à ces indications des catalogues d'A. DU MEGE (Loubatières, 1986, page 121 fig.81) et la donne comme trouvée dans le Champ du Fa.
(4) Jean GUILAINE, «La France d'avant la France, du Néolithique à l'âge du fer>,1981, page 213. Décrivant ces roues de char trouvées à Fa, déclare :«Elles peuvent nous donner une idée plus précise sur ces chars protohistoriques».
Sa conclusion est la suivante «Les
différences chronologiques entre ces deux œuvres (i; e; : les roues de
char et notre ornement à la panthère) doivent faire reconsidérer cette
opinion (i;e; : l'opinion émise par A. DU MEGE) et admettre des lieux de
découverte différents : la première provenance indiquée -les environs de
Revel- parait plus assurée ».
Sous la prudence du vocabulaire employé, cherchant à ne pas choquer les
admirateurs du grand maître des recherches archéologiques toulousaines,
nous pouvons considérer désormais que la panthère attaquant le cavalier
provient des environs de Revel et peut être datée du début du IIème
siècle après J.C., c'est à dire la période de la civilisation romaine
dominante et des jeux du cirque.
Dans quelle partie du char cet ornement pouvait se trouver ? Mine
Christiane BOUBE-PICCOT, qui, pour son inventaire des «Bronzes antiques
du Maroc» a beaucoup étudié les chars et l'attelage romains, nous met en
garde sur le caractère aléatoire de cette recherche : «Divers problèmes
se posent au sujet des éléments de chars. Le plus simple à résoudre
n'est certainement pas celui qui concerne l'emplacement et, par la
suite, la fonction sur le véhicule de chacun de ces fragments trouvés
isolément, ou celui du type de véhicule auquel ils appartenaient».(5)
En simplifiant les choses, car le vocabulaire qui les concerne est
plutôt flottant, on peut considérer qu'il y avait deux catégories de
char à l'époque romaine : les chars d'apparat, de type «Tensa» consacrés
à des usages religieux ou de voyage ; les chars de course, de type
«currus» plus conformes à l'aspect selon lequel on se représente ces
chars depuis les films de la série « Ben Hur».
Si nous nous basons sur la reconstitution d'un char de type «Tensa», le
char de Salonique, dans le livre de Mme BOUBE-PICCOT notre pièce de
bronze pourrait effectivement se placer à l'arrière de la caisse et en
servir d'ornement. (6)
L'autre solution serait de placer la pièce à la panthère sur le timon
d'un char de course, «currus», à un emplacement qui resterait à
préciser.
Rien ne permet pour l'instant d'être plus précis.
La formule «trouvé près de Revel (Haute-Garonne)» ne va pas non plus
sans quelque mystère.
En effet, dans l'état actuel de la recherche archéologique, les sites
gallo-romains n'abondent guère dans les environs de Revel,
occupés au moment de la fondation de la bastide (1342) par une abondante forêt.
Seul, le site d'En Solomiac, près de Palleville, dont Jean-Paul CALVET nous parle dans ce même cahier d'histoire n° 8 de notre Société d'Histoire de Revel St-Ferréol pourrait à la rigueur convenir.(7)
Quant au lieu de fabrication de cette pièce de bronze, au vu de son caractère très élaboré, il faut penser à un atelier d'art romain, peut-être italien, beaucoup plus sûrement qu'à un atelier gallo-romain. Ce qui laisse la possibilité de son importation par un riche propriétaire gallo-romain installé dans notre Lauragais.
La panthère attaquant un cavalier a figuré entre autres dans une exposition, en 1956, due à Jean BOUBE et au regretté Paul MESPLE: «De l'art des Gaules à l'art Français» (Toulouse, Musée des Augustins, page 43, n°71).
Sans doute la violence de la scène figurée sur ce document choque-t-elle.
Il ne faut pas oublier cependant que les luttes à mort entre gladiateurs, les massacres d'animaux sauvages, les condamnés à mort, souvent chrétiens, livrés aux bêtes sauvages flattaient les instincts du peuple qui par ailleurs était à la tête d'une brillante civilisation.
Malgré toutes les incertitudes qui pèsent encore sur ce document, nous tenions surtout à le faire admirer et à faire savoir qu'il appartient à notre territoire archéologique.
(5) Christiane BOUBE-PICCOT, Les bronzes antiques du Maroc, III, Les chars et l'attelage, Etudes et travaux d'archéologie marocaine, VIII, Rabat (avant-propos).
(6) Id., page 26, Fig. 10.
(7) Outre l'article précité, on peut consulter, la carte archéologique de la Gaule, le Tarn, 81, page 206- 7, Palleville, 200, fig. 135,6, 7
Reconstitution d’un char de type « CURRUS »
Reconstitution d’un char de type « TENSA » ;
Char de Salonique – d’après l’ouvrage de Christiane BOUBE-PICCOT:
« Les bronzes antiques du Maroc » , les chars et l’attelage.